samedi 26 septembre 2009

Falardeau: mort d'un visionnaire


Pierre Falardeau pour moi était un visionnaire. En ce sens qu'il voyait des affaires que lui seul pouvait voir.

Des francophones opprimés par des anglophones, par exemple, encore en 2009, il semblait en voir encore partout.

Et des chaînes, il en voyait partout aussi. Il voyait «son peuple» comme une armée d'esclaves idiots qui lèchent leurs chaînes et qui refusent d'en être libérés.

Ça peut être un peu insultant d'ailleurs, quand on se considère soi-même pas si con et même d'intelligence acceptable, de se faire traiter de cave, d'abruti, de mongol, d'idiot colonisé, de pleutre, et j'en passe et des meilleurs, sous prétexte qu'on ne partage pas au départ son besoin de vivre avec l'écume à la bouche et le couteau entre les dents parce qu'en 1837 des méchants Anglais ont agi au Québec comme partout les conquérants agissaient à cette époque, c'est à dire en barbares.

C'est pourquoi son fan club était limité, d'ailleurs. (1850 fans sur Facebook, après vérification)

Un peu de diplomatie aurait un peu pâli son personnage, mais aurait mieux servi sa cause. Son personnage extrêmiste, dont il était certainement conscient, semblait souvent passer avant sa cause, et nuisait sans aucun doute à cette-ci.


Liberté, tabarnak !

Liberté est probablement le mot qu'il préférait entre tous, qu'il vénérait même, au point de s'indigner qu'on ait pu en faire une marque de yogourt.

Je me suis quelques fois interrogé sur le sens qu'il donnait au concept de liberté.

Pour Falardeau, le peuple du Québec ne saurait être libre qu'après avoir coupé ses liens avec le Canada.

Cette phrase révélatrice:

"Ou ben le peuple se lève pis on se donne un pays, ou ben on s'écrase pis on reste une minorité."

Ce qui donnait mal au ventre à Falardeau, je pense que c'était ça. Que son peuple puisse être considéré comme une minorité. Peu importe que l'arrangement avec son voisin/associé/co-fondateur soit équitable ou non, le Québec devait s'en «libérer».

Où moi je vois, comme plusieurs, des frontières floues qui ne sont plus qu'administratives, lui voyait des fossés si profonds qu'il serait impossible de les remplir.

«Au Ghana, les pauvres mangent du chien. Ici, c'est les chiens qui mangent du pauvre, et ils prennent leur air surpris quand on en met un dans une valise de char...»

Il fallait quand même avoir du front pour se présenter à tout bout de champ à la télé pour dénoncer des choses que lui seul ou presque voyait et crier vengeance pour des vieilles chicanes oubliées, et un sacré talent aussi pour trouver  le moyen de se faire ré-inviter, encore et encore, tout en traitant souvent ses hôtes de tous les noms, de peureux surtout. Mais comme Chartrand il était depuis plusieurs années devenu un morceau de l'histoire et surtout du folklore québécois, et on l'invitait aussi pour l'entendre dire des énormités.

Pour ma part j'aurais aimé qu'il arrête de focusser sur les anglas et qu'il s'intéresse à dénoncer les vrais oppresseurs de «son peuple» aujourd'hui, c'est à dire les dirigeants corrompus qui limitent la concurrence, par exemple, ce qui dérégle le libre marché et qui coûte une fortune aux Québécois depuis nombre d'années.

Le club fermé des entrepreneurs et chefs syndicaux qui dirigent tout ce qui se construit à Montréal et dont la mécanique est en train d'être révélée grâce en très grande partie aux journalistes de La Presse et de Radio-Canada, par exemple.

N'est-ce pas de là qu'elle vient, la vraie oppression, aujourd'hui ? De ces dirigeants politiques, syndicaux, patronaux qui profitent du fait qu'ils sont en position de pouvoir pour s'emplir les poches de toutes les façons possibles, de même que celles de leurs amis, en appauvrissant et par le fait même en affaiblissant tous ceux qui ne font pas partie de leurs cercles privilégiés , c'est à dire l'ensemble de la population ?

Too bad pour les Québécois, ces «oppresseurs» ne sont pas des anglas.

Comme c'était aussi le cas pour le scandale des commandites, ce sont des Jean, des Michel, des Jocelyn, des Louis, des Gilles, assez souvent des Italiens aussi dans le cas de la construction à Montréal, mais pas des anglas.

S'il les a remarqués, j'en doute parce que tout «visionnaire» qu'il était il ne regardait pas dans cette direction, il n'a pas cru bon de les dénoncer.

Il était l'homme d'une seule cause. Il ne luttait pas contre l'oppression des riches envers les pauvres, à moins que les riches ne soient anglos,

non plus pour une gestion des affaires publiques saine et honnête, ce qui est pourtant indispensable à toute nation qui se respecte et qui manque cruellement au Québec probablement plus que partout ailleurs au Canada,

non plus pour une concurrence juste et équitable entre les compagnies québécoises, pour que les contrats soient accordés aux plus méritants plutôt qu'à ceux qui sont dans le Club.

Sa seule cause était l'indépendance du Québec. À tout prix, fuck l'économie, n'importe comment, fuck la démocratie, et à n'importe quelle condition, on s'arrangera ben après.

Il est mort sur sa faim, probablement amer et triste, comme il a vécu.

Une dernière citation pour finir, sa meilleure à mon avis:

«On va toujours trop loin pour les gens qui vont nulle part»

R.I.P. quand même, Falardeau.

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