samedi 26 septembre 2009

Profession: planteur de commentaires


(photo à titre indicatif)

La technique est vieille comme le monde. Je me souviens, j'écoutais André Arthur à la radio le matin quand il avait encore un micro et chaque fois qu'on tombait en élections et qu'il en faisait un sujet sur ses lignes ouvertes, des gens appelaient, le plus souvent des madames, pour dire «moi, Untel (candidat) je lui fais tellement confiance, il a l'air tellement sincère et honnête, bla bla..» et Arthur souvent raccrochait rapidement en insultant la personne au passage et en expliquant à ses auditeurs qu'ils venaient d'entendre un appel «planté».

Une technique utilisée par des organisations affiliées à des partis politiques pour influencer l'opinion publique. Pour que madame raconte à monsieur le soir au souper, par exemple, que «c'est pas tout le monde qui le déteste, Untel, j'ai entendu une madame à la radio ce matin qui trouve qu'il a ben de l'allure et qui lui donnerait sa fille à marier, même !».

Il suffit d'écouter les lignes ouvertes les plus populaires en période d'élections encore aujourd'hui pour constater que ça se fait encore.

Lorsque ces organisations exagèrent en faisant appeler beaucoup de monde avec bien sûr toujours les mêmes excellentes opinions sur leurs candidats, on dit qu'ils «paquettent les lignes».

Ça faisait enrager Arthur qui engueulait ses assistant(e)s quand ils ne savaient pas reconnaître ces parasites.

On reconnait les appels plantés par l'excès d'enthousiasme que montrent leurs auteurs pour des candidats qui évidemment n'en méritent pas tant.

«- Et le fait que Untel ait déjà été par trois fois accusé de fraude dans le passé, ça ne vous inquiète pas, madame?»

«- Mais non ! Vous ressortez des vieilles affaires, et ça a été exagéré de toute façon...»


Personne ne défend l'indéfendable, quand il n'a pas un intérêt précis à le faire.

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Ceci dit...

Alain Gravel et son équipe de journalistes de l'émission Enquête à Radio-Canada présentaient jeudi dernier une émission spéciale sur le «grenouillage» autour de la FTQ. Mafieux, motards, dépenses princières, menaces, collusion, favoritisme: on se croyait presque à l'hôtel de ville de Montréal.

L'enquête de Enquête est de toute évidence bien étoffée et l'émission qui en résulte est passionnante. On y voit les factures incroyables de Jocelyn Dupuis qui pendant 6 mois a dépensé 5000$ par semaine rien qu'en repas au restaurant, on y constate des amitiés louches et clairement inappropriées, on y entend plusieurs témoignages qui vont tous dans le même sens: mafieux, motards, dépenses princières, menaces, collusion, favoritisme, bref la FTQ sent la corruption à plein nez.

Michel Arsenault, président de la FTQ, plusieurs fois mentionné dans cette enquête pour ses liens étroits avec Tony Accurso («c'est mon ami!»), ce champion contracteur qui a obtenu pour plus de 400 MILLIONS de dollars de contrats du Fonds de solidarité de la FTQ, n'avait d'autre choix que de répondre à cette enquête en s'indignant avec force, contre n'importe quoi, contre n'importe quel élément de l'enquête, mais en s'indignant avec énergie,

pour que ceux qui ne captent pas plus loin que le son des mots, ceux qui n'ont pas compris les résultats de l'enquête, restent sur l'impression que ce gars-là a l'air d'un gars ben correct qui s'est fait piéger par des journalistes enragés.

En homme bien de son temps, c'est sur YouTube que Michel Arsenault a choisi de lire sa réplique à Enquête.

On peut voir sa vidéo ici.

Après avoir visionné la vidéo, lisez les commentaires qui suivent au bas. Au moment d'écrire ces lignes, 36 heures après le reportage, il y en a une centaine. Vous constaterez que les commentateurs ne sont pas tendres envers Arsenault et sa bande, mais sur cette centaine, 4 ou 5 commentaires sont positifs et soutiennent Michel Arsenault et la direction de la FTQ.

Deux extraits:

« J'aime la FTQ. La direction a fait le ménage parmi les pommes pourries. Le Fonds est prospère malgré la récession. Pourquoi les médias s'acharnent-ils alors ? Parce que les Fonds est un succès. Un succès syndical qui dérange ?»

«Je salue le courage de Michel Arseneault qui a fait sa propre vidéo plutôt que de subir une entrevue bidon avec Alain Gravel..Je suis actionnaire du Fonds. Mon avoir a augmenté, malgré la récession. C'est pas ça qui compte, bien plus que les histoires du passées qui ont été réglées ?»

Pour défendre l'indéfendable, je disais donc, il faut avoir un intérêt précis.

Aussi, pour pouvoir laisser un commentaire sous une vidéo sur YouTube, il faut être connecté à un compte Google. Si on n'a pas de compte Google, il faut s'inscrire à un compte, puis se connecter.

C'est un irritant qui fait en sorte que la très grande majorité des gens ne laissent jamais de commentaires sous les vidéos qu'ils regardent.

Or, si vous examinez les rares commentaires favorables à Arsenault sous sa vidéo, leurs cinq auteurs se sont tous inscrits... aujourd'hui! (on peut voir cette info en cliquant sur le nom de l'auteur du commentaire)

Donc ces gens n'ont jamais cru bon de commenter quoi que ce soit sur le milliard de vidéos de YouTube, mais aujourd'hui, le jour de la diffusion de cette vidéo de Michel Arsenault, ils ont jugé que ça valait le coup de s'inscrire pour commenter.

Sceptique, vous dites ?

De la même façon que certaines personnes pouvaient attendre patiemment pendant 50 minutes en ligne pour pouvoir dire aux auditeurs de André Arthur que le candidat Untel était un homme extraordinaire qui méritait toute notre admiration,

les cinq personnes (qui pourraient très bien en fait n'être qu'une seule et même personne) qui ont exprimé des commentaires positifs sous la vidéo de Michel Arsenault ont fait fi des irritants pour défendre l'indéfendable, pour le bien de leur cause, ou du moins pour la continuation des choses dans l'état dans lequel elles sont, c'est à dire dans l'état désolant de corruption révélé par l'équipe de l'émission Enquête.

Après le paquetage de lignes ouvertes avec les planteurs d'appels, nous sommes donc ici en présence, j'en ai bien peur, d'une nouvelle race de parasites:

les planteurs de commentaires sur YouTube.

Comme dirait Marc Gagnon (le personnage de Marc Messier dans Lance et Compte):

«On avait besoin de ça comme d'une verrue dans le trou de cul...»

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