mardi 16 février 2010

Le lugeur avait-il bu ?


Si j'étais curieux et malicieux, c'est le titre que je choisirais pour tester la voracité de l'intérêt des gens de mes réseaux pour cette histoire de luge et de mort survenue avant l'ouverture des Jeux.

Je mettrais cette phrase intrigante dans mon statut Facebook, et sur Twitter, et directement ça s'afficherait sur le feed de mon nouveau Buzz.

Ensuite je regarderais après quelques heures les statistiques de fréquentation de mon blogue, pour voir la courbe de l'intérêt pour l'affaire. Après 24 heures et quelques calculs élémentaires je pourrais probablement affirmer que le genre d'affirmation auquel appartient «Le lugeur avait bu» en ce moment précis de février 2010 et en les présentes circonstances a un potentiel extraordinaire.

Genre 9 personnes sur 10 cliquent sur le lien pour en savoir plus.

Un simple assemblage de cinq mots, une valeur publicitaire inestimable, qu'il faut toutefois relativiser vu sa forte teneur en bullshit et le fait qu'un certain pourcentage des «cliqueurs» ne s'y laissera plus prendre.

Ne suis-je pas curieux et malicieux ? :)

DISCLAIMER:
Ceci dit, comme le reste de l'humanité le lugeur avait fort probablement bu quelque chose dans la journée de vendredi, mais rien n'indique qu'il aurait bu de l'alcool comme le titre de ce billet expérimental pourrait le laisser entendre. Je profite simplement de mon relatif anonymat (moyenne de 22 visiteurs/jour) pour tester des affaires, et aujourd'hui je questionne l'efficacité des titres accrocheurs. Je vous donnerai des nouvelles.

Question de ne pas être complètement malhonnête, parlons tout de même du lugeur...

J'ai lu quelques articles sur l'accident mortel du jeune Russe, et sur chacun à chaque fois j'ai lu de nouveaux éléments et de nouvelles paroles de son père qui est très accablé, on le comprend, mais qui s'exprime quand même sans se faire trop prier.

Le jeune qui est mort s'appelait Nodar, 21 ans, le père s'appelle David, 46 ans. Le père est ancien lugeur lui-même ce qui fait qu'il comprend la situation et jusqu'à un certain point le bon sens/non sens des descentes de luge et de bobsleigh.

Qu'est-ce qui détermine l'inclinaison de la pente de ces pistes-spectacle et qui les empêche d'être verticales ou presque, sinon le risque d'un accident grave ?

Nodar avait parlé à son père de sa crainte de cette courbe, son père lui avait répliqué de ralentir son départ, ce à quoi il avait répondu quelque chose comme «Es-tu malade ? J'y vais pour gagner, pas pour ralentir !».

Le jeune Nodar s'est tué vendredi dernier, et samedi, pendant que son père David faisait probablement les cent pas chez lui en pleurant et en répétant «non c'est pas vrai, c'est pas possible», les organisateurs olympiques se disaient «ouch, voici 1 mort, il faut reculer un peu» et se demandaient de combien de poils il fallait réduire la vitesse de la descente pour contenter à la fois lugeurs et spectateurs. Et l'Histoire aussi, car on ne va quand même pas faire à Vancouver plus lent que quatre ans auparavant à Pékin. Ce serait reculer et ça ne se fait pas.

J'avais hâte de voir comment les organisateurs s'y prendraient et ils m'ont étonné en ralentissant significativement la descente. Au point que les lugeurs sont très déçus.

Les spectateurs ne peuvent évidemment pas crier «Ne changez rien ! Courrons le risque de voir d'autres accidents !», mais les lugeurs et lugeuses le peuvent et c'est ce qu'ils ont fait après avoir constaté les changements apportés, trop importants selon eux.

Le départ des hommes a été replacé trois virages plus bas, au niveau de celui des dames.

Extrait de cet article:


Auteur d'une pointe de vitesse record de 154 kilomètres/heure plus tôt cette semaine, l'Autrichien Manuel Pfister a estimé que la piste était maintenant «beaucoup, beaucoup plus facile».

«Ce n'est pas la même vitesse, a-t-il dit, un peu dépité. Du départ au virage 11, il n'y a pas de vitesse.»


Circulez, y'a rien à voir. On voulait vous couper le souffle et vous faire oublier la pluie, mais le gars est mort et la pente aussi.

J'ai l'impression que même David, le père de Norad, n'aurait pas voulu qu'on ampute aussi radicalement cette descente, façon de ne pas acoller à jamais le nom de son fils (aussi le sien) à l'explication historique officielle pour la relative lenteur des courses de luges de Vancouver 2010.

«Why these times?
These? Oh, Nodar affair...»


Bref, à mon avis, Nodar a gaffé, et à mon avis encore, son père le sait,

et ça le désole probablement doublement de voir cette discipline, qui fût aussi la sienne, souffrir de la mort de son fils.

N'y a-t-il pas un paradoxe à ne pas laisser courir les jeunes aussi vite qu'ils le peuvent, aux jeux olympiques ?

Du moment qu'il n'ont pas bu !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire