dimanche 10 janvier 2010

Jean Pelletier: avant la béatification



Dans le Soleil de ce matin, Pierre-André Normandin dans un article rapporte que l'administra- tion Labeaume envisage de souligner bientôt la contribution de Jean Pelletier à la Ville alors qu'il était maire, surtout pour son initiative d'inscrire Québec à titre de ville du patrimoine mondial de l'UNESCO, il y a de ça 25 ans.

Jean Pelletier est mort il y a exactement un an aujourd'hui.
«Impossible pour l'instant de dire si une rue, un bâtiment, un parc ou simplement une plaque portera le nom du disparu.»

Une plaque ? Bonne idée. Et pas trop encombrante, de préférence. Parce que pour tout le reste, il y aura forte controverse.

Je ne suis pas du genre à courir les assemblées à l'Hôtel de ville, mais si on menace de changer le nom de ma rue de Lemonelier à «rue Jean-Pelletier», je jure qu'ils vont m'y entendre.

La veuve de Jean Pelletier, Mme Hélène Bhérer, jointe au téléphone par le journaliste du Soleil, y est allée de cette déclaration (presque) étonnante:
«Il a donné 12 bonnes années de sa vie à ses concitoyens»

Pardon ? Êtes-vous en train de nous dire qu'il n'a pas été rémunéré pendant tout ce temps ? Qu'il régnait par charité chrétienne ? Qu'il voyageait de par le monde à ses frais et sans agrément, rien que pour le bénéfice de ses concitoyens ? Quel altruisme !

Bullshit ! Écoeuré de ces politiciens pensionnés en double et en triple qui font croire à leurs femmes et au monde qu'ils ont «donné leur vie au service de la population». Dans la même phrase ils vous parlent du grand honneur que ça a été de «servir» et ensuite du «don» qu'ils ont fait de leur vie. Bullshit !

Douze ans avec un salaire dans les six chiffres, un compte de dépenses équivalent à deux ou trois fois le salaire moyen, des voyages en première classe à l'année longue, des réceptions somptueuses partout de par le monde, une voiture de fonction avec chauffeur, et j'en passe...

À ces conditions-là ma vie je la sacrifie each day of the week.

Bien sûr que ce n'est pas un travail tous les jours facile, que les élus sont observés et critiqués sur la place publique, mais les avantages que leurs positions comportent, jours travaillés vs congés, pensions, primes de départ et primes de toutes sortes, voyages, etc., compensent largement.

Dites-nous, Mme Bhérer, il aurait trouvé où un meilleur job, votre défunt, s'il n'avait pas eu à «sacrifier» ces belles années au service de la ville de Québec ?

Vous mentionnez avoir une idée en tête pour son souligner son apport, mais vous préférez vous taire pour éviter de vous mettre dans l'embarras. Vous avez parfaitement raison. N'allez surtout pas suggérer qu'on renomme un pont au nom de votre défunt mari. Ou une rue. Ou même le moindre édifice.

Parce qu'avant toute béatification, et c'en est une en quelque sorte, bien que mineure, il doit y avoir enquête et discussions sur la pertinence d'une telle démarche. C'est une phase délicate qui peut parfois être pénible.

C'est souvent le moment que choisiront les ex-petits garçons pour lever la main et dire «ce n'est pas un saint, il m'a touché les fesses», par exemple.

Cet article du Soleil déclenche ce qu'on pourrait appeler les discussions préliminaires. Les réactions qu'on pourra lire dans les courriers de lecteurs dans les prochains jours seront intéressantes, et je suis persuadé que l'administration Labeaume les lira.

Qu'auront-ils à dire, ces lecteurs ? Voyons voir...

De Jean Pelletier je me souviens qu'il fût un maire sans grandes réalisations, pardon de le dire, à l'exception de cette inscription de Québec comme ville du patrimoine mondial, et sans grande opposition, élu tous les quatre ans par acclamation ou presque tant les candidats qu'il affrontait étaient pâles, jusqu'à ce qu'il cède sa place en '89.

Je me souviens aussi qu'il planait des rumeurs de copinage entre l'Hôtel de ville et certains grands entrepreneurs à l'époque de Pelletier. Rien n'a jamais été prouvé, ni même enquêté à ce que je sache, mais je suis convaincu que la plupart des gens qui ont vécu son époque restent sur l'impression qu'il y avait anguille sous roche. Ce pourrait être une bonne occasion pour la retourner, cette roche, justement, pour tenter de vérifier une fois pour toutes si ce n'était que dans l'imagination d'André Arthur que Jean Pelletier couchait avec Laurent Gagnon, tout en n'excluant pas cette hypothèse, évidemment.

Après son passage à la mairie de Québec il s'était tourné vers la politique fédérale. Il a été chef de cabinet et bras droit de Jean Chrétien, et à ce poste, selon le juge John Gomery, il ne fût pas que bon.

Les éléphants que Jean Chrétien prétend n'avoir pas vu passer dans l'affaire du scandale des commandites, il est pratiquement impossible que Jean Pelletier, qui était directement sur leur chemin, ne les ait pas vu non plus.

À la commission Gomery, que je suivais en direct à la télé, j'ai vu Pelletier jouer (très mal) le vieil homme sage, totalement surpris de toutes ces magouilles et enveloppes qui pourtant lui passaient sous le nez. Son fameux «pif de vieille bête politique», qu'il avait présenté à la Cour en se tapotant le nez avec l'index, lui avait bien dit de se méfier de celui-ci et de celui-là, mais il avait laissé faire et fait confiance. C'était en gros sa défense dans cette affaire: j'ai été trop bon et j'ai trop fait confiance.

Comme à l'employeur qui vous demande quel est votre pire défaut, ne lui parlez pas de votre penchant pour le dry gin et le gambling. Dites plutôt que vous êtes trop minutieux, ou trop perfectionniste.

À Gilbert Lavoie du Soleil à qui il a accordé quelques entrevues peu de temps avant sa mort et qui lui demandait s'il s'était questionné sur le financement des programmes de commandites, il avait répondu:

«Je ne m'en souviens pas. Dans la guerre (parlant du référendum de '95), on ne se demande pas si les munitions sont payées, on les tire.» 


Va pour une plaque, et ne m'attendez pas à la cérémonie.

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